Laurie Barbarin "Faire avancer la science, c’est aussi la mettre à l’épreuve du marché"

Portrait d'alumni

Laurie Barbarin s'est prêtée à l'exercice de l'interview-portrait. Une entrepreneuse engagée.

Peux-tu te présenter et nous parler de ton parcours ?

Je m’appelle Laurie Barbarin et j’accompagne aujourd’hui les startups deeptech dans leur croissance à travers ENPEKA, la structure que j’ai fondée pour aider les entrepreneurs scientifiques à transformer leur technologie en produit, à le positionner sur un marché et à générer de l’engagement.

Diplômée d’un Master en entrepreneuriat et management de l’innovation à l’IAE Bordeaux, j’ai rapidement orienté ma carrière vers l’accompagnement de projets innovants : d’abord en incubateurs, puis au Centre Inria de l’Université de Lille pendant quatre ans, avant de rejoindre La French Tech Lille, où j’ai piloté plusieurs programmes d’accompagnement et de financement pour les entreprises innovantes des Hauts-de-France.

Ces expériences m’ont donné une vision à 360° du passage de la recherche à l’entrepreneuriat, et m’ont convaincue d’une chose : pour qu’une innovation vive, elle doit rencontrer les usages réels du marché.

Peux-tu revenir sur tes quatre années passées chez Inria, ta mission, tes succès ?

Chez Inria, j’ai eu la chance d’être au cœur de la dynamique de création de startups deeptech issues de la recherche publique. Ma mission : détecter des opportunités de transfert, accompagner les chercheurs dans leur découverte du monde entrepreneurial et créer des passerelles entre la recherche, l’industrie et les acteurs de l’innovation.

Je suis arrivée à un moment charnière, celui de la mise en place d’Inria Startup Studio. Cela m’a permis d’expérimenter de nouveaux formats de sensibilisation et d’accompagnement, d’agir au plus près des porteurs de projets à Lille tout en collaborant avec mes collègues à l’échelle nationale. Mon ambition était aussi de bâtir des liens solides avec l’écosystème local, incubateurs, industriels, startups, structures de financement, pour intégrer rapidement les projets dans leur environnement naturel, et créer une dynamique de communauté autour des anciens entrepreneurs et talents Inria Lille.

Parmi les moments marquants, le HackAtech reste un symbole fort : un format d’open innovation que nous avons conçu et porté à Lille , et qui a été étendu sur d’autres territoires, porté par les Centres Inria . Cet événement a permis à plusieurs projets de se structurer, et à plusieurs co-fondateurs de se rencontrer. Et c'est toujours un plaisir et une grande émotion d'entendre des anciens participants en parler encore aujourd'hui !
Mais ce que je retiens surtout, c’est la richesse humaine : voir un chercheur passer du doute à la conviction, puis au pitch devant un investisseur, c’est une métamorphose fascinante.

Que dirais-tu différemment aux entrepreneurs que tu avais accompagnés à l’époque ? Le monde a t-il beaucoup changé ?

Je ne leur dirais pas quelque chose de très différent, mais je mettrais aujourd’hui davantage l’accent sur les fondamentaux du Product Management et du Product Marketing.
Développer une startup deeptech ne repose pas seulement sur la performance technologique, mais sur la capacité à construire un produit clair, utile et scalable. Cela suppose une vraie écoute des utilisateurs et une priorisation lucide des fonctionnalités à développer.

Le monde a évolué : les investisseurs et les partenaires sont désormais plus attentifs à la traction* et à la lisibilité marché. Mais le message reste le même : savoir parler produit, c’est savoir parler impact.

Tu es passée de l’accompagnement à la création. A quel moment et comment ?

Après avoir contribué à mettre le train en marche pour de nombreux entrepreneurs, j’ai eu envie d’y monter moi-même, de faire tourner la machine de l’intérieur. Au fil des années, j’ai observé un écart culturel entre les profils scientifiques et business : un manque de langage commun qui peut freiner la collaboration et la confiance.

De ce constat est née ENPEKA, avec la volonté de faire le pont entre ces mondes, en proposant une approche marketing et commerciale adaptée aux spécificités de la deeptech.
Créer ENPEKA, c’était prolonger ce que je faisais déjà, mais en devenant opérationnelle à part entière, aux côtés des équipes, pour transformer la stratégie en actions concrètes.

Que propose ENPEKA ?

ENPEKA aide les fondateurs techniques et scientifiques à structurer leur stratégie marketing et commerciale grâce à une approche itérative, fondée sur les données et les feedbacks terrain.
Souvent, les bases stratégiques sont posées par les fondateurs, mais manquent de méthode pour évoluer en même temps que l’entreprise se développe. Mon rôle est de faire vivre cette stratégie dans le temps, en intégrant la connaissance client à chaque étape du cycle : acquisition, activation, rétention.

J’interviens en 'part-time' sur des missions longues pour construire durablement, ou sur des missions ciblées pour renforcer un point clé.
Toujours en synergie avec les fondateurs, j’apporte de la méthode et une montée en compétences par la pratique, avant le recrutement d’équipes marketing dédiées.
L’objectif : lier Product, Marketing, Sales et Operations pour piloter une croissance durable et cohérente.

Que peut t’apporter aujourd’hui la communauté Inria+alumni ?

Je me sens chanceuse d’avoir évolué au sein d’Inria : ces années m’ont beaucoup appris, au contact des chercheurs comme des équipes d’appui. J’ai gardé un vrai plaisir à suivre l’évolution des entrepreneurs que j’ai accompagnés et à échanger avec mes anciens collègues.

Je crois à la valeur du réseau Inria+alumni : un espace d’échanges et de transmission où chacun peut s’enrichir des expériences des autres, qu’on soit chercheur, intrapreneur ou entrepreneur.
Aujourd’hui, j’aimerais aussi y trouver des feedbacks constructifs sur ma pratique et continuer à apprendre des autres parcours. Inria m’a appris à connecter les mondes ; cette communauté permet de continuer à le faire.

Un mot clé ou une citation pour titrer ton portrait ?

 « Faire avancer la science, c’est aussi la mettre à l’épreuve du marché. »