Manuel Pariente : "à nous les rêveurs !"

Portrait d'alumni

Manuel Pariente s'est prêté à l'exercice de l'interview-portrait. Passionné et entreprenant.

Peux-tu dire quelques mots sur toi et présenter ton parcours ? Qu’est-ce qui t’a amené à faire une thèse ?

J'ai fait des études de physique et de sciences cognitives à l'ENS, en parallèle d'un bout de Master à l'IRCAM. J'ai toujours été passionné par l'audition et la musique, et ça a naturellement orienté mes cours vers la physique des ondes, le traitement du signal, ou encore la perception auditive. J'ai eu la chance de croiser d'excellents professeurs et mentors pendant mon parcours qui m'ont aidé à nourrir cette passion et découvrir la recherche dans ces domaines. Après un an en tant qu'ingénieur en recherche appliquée dans les prothèses auditives, la thèse m'a paru être une évidence pour prendre le temps d'approfondir mes connaissances et de mener mes propres recherches dans un domaine qui me passionnait déjà : l'intelligence artificielle appliquée au traitement audio.

Qu’est-ce qui t’a convaincu d’entreprendre l’aventure de la création de la spin-off Pulse Audition après la thèse en 2021 ?

La motivation principale, c'était la volonté d'aider les personnes malentendantes à être mieux intégrées socialement grâce à une meilleure compréhension de la parole dans le bruit. C'est un problème que je connaissais bien dans ma famille. Et il y a 5 ans, l'industrie de la prothèse auditive n'avait pas encore tiré parti de l'intelligence artificielle pour améliorer l'intelligibilité de la parole dans le bruit, et je savais que la technologie était prête pour, j'avais les mains en plein dedans !
Le cadre offert par l'Inria Startup Studio qui aide à dérisquer le démarrage de la création d'entreprise a beaucoup aidé à passer le pas aussi. Et finalement, l'association avec mon binôme, Thibaud Moule-Milot, a conclu l'affaire, on était parti pour révolutionner l'industrie de la prothèse auditive.

Quelle est l’offre produit de Pulse Audition ? Est-ce compliqué d'aborder la MedTech ?

Il y a aujourd'hui dans le monde 430 millions de personnes qui souffrent de pertes auditives, dont 75% ne sont pas appareillées de prothèses auditives. Notre but est de mettre fin à l'exclusion sociale engendrée par les pertes auditives. Nous voulions commercialiser des lunettes auditives qui permettent aux personnes atteintes de pertes auditives de choisir ce qu'elles veulent écouter dans les environnements bruyants pour ne plus souffrir de ce handicap. Une simple paire de lunettes - en apparence - permet à la fois de résoudre le problème de la stigmatisation lié aux prothèses auditives, et celui de la performance dans le bruit par l'intégration de nos algorithmes de rehaussement de la parole par IA directement dans les branches.

Pulse Audition vient d’être rachetée par EssilorLuxottica. Quelles conséquences pour toi et pour l’équipe de Pulse Audition ?

Depuis le début, la valeur principale de Pulse Audition se concentrait dans les algorithmes hybrides à l'interface entre le traitement du signal et l'IA que nous développions. L'intégration de Pulse Audition chez EssilorLuxottica nous permet de nous recentrer sur ces activités, en complémentant les équipes expertes déjà présentes dans le groupe qui développent la mécanique, l'électronique, et le traitement du signal classique beaucoup mieux que nous pouvions le faire. Cela nous permet de nous concentrer sur des innovations qui pourront toucher le marché dans les meilleures conditions possibles grâce à l'excellence du groupe en développement, production, marketing et distribution. Pour des personnes comme nous motivés par l'impact, c'est une opportunité en or !

Peux-tu nous partager un élément marquant de ton parcours d’entrepreneur ?

Depuis le début, notre idée était considérée comme farfelue ou naïve par les responsables innovation ou les incubateurs. En juillet 2023, quand EssilorLuxottica a annoncé le rachat de Nuance Hearing pour développer des lunettes auditives pour permettre aux malentendants de mieux comprendre la parole dans le bruit, c'était l'hystérie ! Nous étions surexcités à l'idée que le géant du marché de l'optique partage notre analyse du marché, mais effrayés de devoir nous y confronter pour la mise sur le marché.

Te souviens-tu de tes premières impressions à ton arrivée chez Inria en 2018 ? quel fait ou moment marquant de ton parcours Inria, ou quelle anecdote peux-tu partager avec nous ?

J'ai eu la chance d'intégrer une équipe très dynamique, et d'avoir des directeurs de thèse extrêmement compétents, disponibles, et humains. L'équipe-projet MULTISPEECH , Denis Joubert, Emmanuel Vincent, Antoine Deleforge, Romain Serizel, et tous les doctorants et post-doctorants de l'époque ont fait de ces trois années parmi les meilleures de ma vie professionnelle, et je leur en suis reconnaissant.

En quoi ton expérience chez Inria a-t-elle servi ton parcours professionnel ? Était-ce un « booster » ?

Mon expérience à Inria a été la base scientifique et technique de Pulse Audition que j'ai cofondé directement après ma thèse, avec la confiance de mes encadrants de thèse, le soutien d'Inria Startup Studio et du STIP de Nancy comme vrais boosters.

Que conseillerais-tu aux plus jeunes de notre communauté -jeunes, en âge comme en ancienneté- pour dynamiser leur parcours ?

Poursuivez vos envies, vos convictions, votre curiosité, faîtes vous confiance. Inutile de construire un CV pour qu'il ait l'air parfait, choisissez vos activités pour vous éclater !

Que saurais-tu leur apporter ?

Une compréhension croisée entre le monde de la recherche, de l'entrepreneuriat et de l'industrie. Une vision de l'apport d'une thèse dans un parcours, et de ce qu'implique créer sa propre entreprise.

Et nous, communauté, réseau, que peut-on t’apporter aujourd’hui ? As-tu des attentes particulières ?

Réunir les alumni autour des enjeux sociétaux majeurs d'aujourd'hui et de demain liés au numérique.

Comment garder le contact ?

Par mail, tout simplement 🙃

Un mot clé ou une citation qui titrera ce portrait ?

Le soir de la vente, mon associé m'a dit "À nous les rêveurs", et c'est un message qui me plaît et auquel je crois. Comme disait Steve Jobs, "ceux et celles qui sont assez fous pour croire qu’ils peuvent changer le monde sont en réalité ceux qui le font."